On l’identifie principalement aux mélodrames flamboyants qu’il a signés à Hollywood dans les années 1950, mais Douglas Sirk (1897-1987) a débuté en Allemagne, où il était metteur en scène de théâtre. À l’arrivée du nazisme, il se tourne vers le cinéma, milieu où l’on semble moins regardant sur la judéité de sa deuxième épouse. Les sept films qu’il tourne alors pour la prestigieuse UFA affirment son talent. Il choisit l’exil en 1937, gagnant les États-Unis, où la suite de sa carrière ne va pas de soi, mais finit par s’épanouir chez Universal. Il s’essaie à plusieurs genres : fantaisie historique (Scandale à Paris, 1946), western (Taza fils de Cochise, 1954), cape et épée (Capitaine Mystère, 1955). Alors que ses films observent avec ironie et parfois amertume l’american way of life (Demain est un autre jour, 1956), le mélodrame devient sa spécialité.
Il apporte ainsi une dimension quasi mythologique à des récits parfois feuilletonesques, toujours dénués de sentimentalisme, magnifiés par les lumières et les ombres du chef-opérateur Russell Metty. Il enchaîne notamment Tout ce que le ciel permet (1955), Écrit sur du vent (1956), et Mirage de la vie (1959), faisant de son acteur fétiche, Rock Hudson, une star. Le Temps d’aimer et le temps de mourir (1958) est un autre chef-d’œuvre où affleure une tragédie personnelle : la mort de son fils, qu’il n’avait plus le droit de voir et qui, devenu héros nazi, tomba sur le front russe.
Après son plus gros succès, Mirage de la vie, Sirk quitte Hollywood, retourne en Europe. Il est alors réhabilité par la jeune critique des années 1960 puis par Rainer Werner Fassbinder. Son influence se remarque aujourd’hui chez des cinéastes comme Todd Haynes ou François Ozon.
Remerciements à ARP Sélection, Capricci, Carlotta Films, Impex Films, Park Circus, Sony Pictures, Studiocanal, Universal Pictures.
SOIRÉE D’OUVERTURE
Vendredi 24 mars à 18h30
Mirage de la vie de Douglas Sirk (1959, 2h05)
Présentée par Maelle Arnaud
CONFÉRENCE SUR DOUGLAS SIRK
Mardi 11 avril
En présence de Charlotte Garson, rédactrice en chef adjointe des Cahiers du Cinéma
18h30 Conférence « Douglas Sirk à Hollywood » (1h15)
20h30 Le Temps d’aimer et le temps de mourir de Douglas Sirk (1958, 2h12)
DOUGLAS SIRK : PÉRIODE ALLEMANDE
Mardi 18 avril à 18h30
La Neuvième symphonie de Douglas Sirk (1936, 1h40)
Film précédé d’une introduction à la période allemande du cinéma de Douglas Sirk par Maelle Arnaud (env. 20min)
L’HÉRITAGE DOUGLAS SIRK : RAINER WERNER FASSBINDER
Mardi 25 avril
Soirée double programme : Rainer Werner Fassbinder transpose Tout ce que le ciel permet dans l’Allemagne des années 1970
18h30 Tout ce que le ciel permet de Douglas Sirk (1955, 1h29)
Film précédé d’une introduction sur l’esthétique camp par Denis Revirand
20h45 Tous les autres s’appellent Ali de Rainer Werner Fassbinder (1974, 1h32)
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DOUGLAS SIRK ET LE MÉLODRAME
Mercredi 3 mai
En présence de Nedjma Moussaoui, Maître de conférences en histoire du cinéma, Université Lumière Lyon 2
Écrit sur du vent de Douglas Sirk (1956, 1h39)
Film précédé d’une introduction sur le mélodrame (env. 20min) et suivi d’une analyse du film
L’HÉRITAGE DOUGLAS SIRK : TODD HAYNES
Jeudi 25 mai
Soirée double programme : l’hommage de Todd Haynes aux mélodrames des années 1950, à Douglas Sirk et à Tout ce que le ciel permet
18h30 Tout ce que le ciel permet de Douglas Sirk (1955, 1h29)
20h45 Loin du paradis de Todd Haynes (2002, 1h47)
Les films allemands |
April, April ! Un riche fabricant de pâtes, parfait parvenu, est victime d’un canular : on lui annonce la visite d’un prince dans son usine. Mais voici que le vrai prince arrive à son tour… Premier film de Sirk, qui lui sert à comprendre la technique du cinéma et que le cinéaste considérait comme « la première tentative de comédie allemande dans le style américain. » Savoureux. |
La Fille des marais « Fille-mère » rejetée par sa communauté, Helga fait appel à la justice pour restaurer sa réputation. Elle rencontre Karsten, un fermier… Transposition en Allemagne, sous l’influence de Dreyer, d’une nouvelle de Selma Lagerlöf (déjà filmée par Sjöström), premiers motifs mélodramatiques et déjà l’opposition nature/culture qui irriguera l’œuvre de Sirk. |
Les Piliers de la société Un riche armateur a bâti sa fortune sur le mensonge et la calomnie contre son beau-frère, exilé aux États-Unis. Celui-ci revient au sein d’un cirque et demande des comptes… Adaptation d’une pièce d’Ibsen, que Sirk avait montée à la scène, et qui dénonce l’hypocrisie sociale. La mise en scène s’affirme, au service de personnages forts. |
La Neuvième symphonie Après avoir abandonné son enfant pour suivre son mari aux États-Unis, une jeune femme retourne en Allemagne et devient la nounou de son propre enfant… Sur fond de Beethoven, les grands thèmes du mélo sirkien (amour et trahison, exil et destin, etc.) sont déjà au rendez-vous d’un film où le cinéaste affirme sa foi dans le cinéma pur. Un immense succès pour la UFA. |
Du même titre Une chanteuse en quête d’un père qu’elle n’a pas connu doit se produire à la cour d’une petite principauté. Elle y rencontre l’amour, et pas seulement… « Une pâtisserie viennoise » disait lui-même Sirk de cette opérette au service des comédiens chanteurs Martha Eggerth et Johannes Heesters. L’affaire est menée avec goût et vivacité. |
Paramatta, bagne de femmes Pour sauver l’homme qu’elle aime, un officier anglais, une chanteuse avoue un délit qu’elle n’a pas commis. Elle est condamnée à sept ans de bagne à Paramatta, en Australie… Retour aux sources du mélodrame (« drame en musique ») pour ce destin de femme trahie par l’indécision et la lâcheté des hommes. Le film qui fit de Zarah Leander une star en Allemagne. |
La Habanera Sur un coup de tête, une jeune Suédoise épouse un riche propriétaire portoricain. Dix ans plus tard, sa vie est un enfer et elle rêve de retourner en Europe… Zarah Leander, comme envoûtée par la « fièvre portoricaine », au coeur d’une tragédie exotique entêtante qui mêle admirablement romanesque et critique sociale. Le dernier film allemand de Sirk. |
Les films américains |
Scandale à Paris Comment Eugène-François Vidocq, voleur et séducteur, parvient à devenir chef de la police… George Sanders, proche de Douglas Sirk, mène avec ironie et charme cette comédie policière brillamment écrite, à laquelle le cinéaste donne une touche poétique. De savoureux seconds rôles aux trognes spectaculaires, dont Akim Tamiroff, acteur américain d’origine russe. |
Des filles disparaissent À Londres, un tueur de femmes envoie des poèmes avant chaque meurtre. Scotland Yard engage une jeune danseuse comme appât… Un savoureux remake de Pièges de Robert Siodmak, polar riche en fausses pistes, où Lucille Ball, formidable, affronte au cours de son enquête une concupiscence masculine généralisée. Avec George Sanders. |
Jenny, femme marquée Emprisonnée pour meurtre, Jenny obtient au bout de plusieurs années une liberté conditionnelle. Son contrôleur judiciaire, amoureux d’elle, tente d’éviter qu’elle replonge… Sur un scénario de Samuel Fuller, dont la fin fut modifiée par le studio, un solide mélodrame policier, où, comme souvent, Sirk place son héroïne entre deux choix de vie. |
Tempête sur la colline Parmi les habitants d’un village réfugiés dans un couvent à cause d’une inondation, se trouve une condamnée à mort reconnue coupable du meurtre de son frère. Une nonne (Claudette Colbert) pressent son innocence… Le scénario mêle intrigue policière et mélodrame doloriste, que Sirk sublime par une invention visuelle permanente. Son premier film chez Universal. |
No Room for the Groom Une succession de contretemps empêche un jeune couple (Tony Curtis et Piper Laurie) de consommer son récent mariage… Sur une trame de comédie légère – et les gags qui vont avec –, Sirk déploie avec ironie satire sociale et critique de la famille. « Un ton original et relativement noir », écrivent Tavernier et Coursodon dans 50 ans de cinéma américain. |
Qui donc a vu ma belle ? Sans enfant, un vieux millionnaire veut léguer sa fortune à la famille de son grand amour de jeunesse. Il s’invite dans la maisonnée, incognito… Sur un thème à la Frank Capra, une joyeuse comédie musicale située dans les années 1920, première collaboration du cinéaste avec Rock Hudson. Savoureuse composition de Charles Coburn. |
All I Desire Dans les années 1910, une femme qui a fui son mari et ses enfants pour suivre une médiocre carrière d’actrice revient dans sa petite ville… L’alternative sirkienne par excellence, entre illusoire soif d’ailleurs (affectif et professionnel) et conventions sociales qui entravent. Le personnage de Barbara Stanwyck annonce l’héroïne de Mirage de la vie. |
Taza, fils de Cochise Après la mort de Cochise, son fils Taza (Rock Hudson) veut prolonger la paix avec les tuniques bleues. Mais il doit affronter son frère, proche du belliqueux Geronimo… Unique western du cinéaste, amateur du genre. Comme souvent chez lui, le héros est un homme partagé qui s’interroge sur son identité. |
Le Secret magnifique Responsable involontaire de la mort d’un généreux médecin, un riche playboy (Rock Hudson) tente de se racheter, d’abord maladroitement… D’un improbable roman écrit par un pasteur, Sirk tire un mélodrame flamboyant, bouleversante histoire d’amour entre deux êtres que tout oppose. Péripéties intenses, lyrisme stupéfiant. |
Capitaine Mystère Au XIXe siècle, les aventures spectaculaires d’une poignée d’opposants irlandais à la domination anglaise. Parmi eux, celui qui devient Capitaine Mystère (Rock Hudson)… D’après un roman de W.R. Burnett, unique incursion de Sirk dans le film de cape et d’épée, « qui allie à une ironie très subtile une indéniable beauté plastique » (Tavernier et Coursodon). |
Tout ce que le ciel permet Une veuve (Jane Wyman) tombe amoureuse de son jardinier (Rock Hudson), plus jeune qu’elle. Comment assumer cette liaison aux yeux de la société et de ses enfants ?… L’hypocrisie sociale face à la vérité d’une existence proche de la nature : il y a du Ozu dans cette tragédie simplissime et déchirante, où le bonheur paraît interdit. |
Demain est un autre jour Une ancienne amoureuse (Barbara Stanwyck) fait irruption dans l’existence routinière d’un fabricant de jouets (Fred MacMurray) à la vie de famille bien remplie… Chronique réaliste et lucide des regrets d’adultes s’interrogeant sur leur vie affective. Avec, comme dans le film précédent, l’incompréhension d’une jeune génération obsédée par les apparences. |
Écrit sur du vent Richissime et capricieux, Kyle (Robert Stack) épouse Lucy (Lauren Bacall) que convoitait son meilleur ami, Mitch (Rock Hudson). Après quelques mois de bonheur conjugal, ses démons le reprennent… Dans un Technicolor flamboyant, les déchirements d’une famille maudite, dont Sirk fait une tragédie. Un Oscar pour Dorothy Malone dans le rôle de la soeur « bad girl ». |
Les Ailes de l’espérance Hanté par une erreur commise pendant la Seconde Guerre mondiale, un ancien pilote devenu pasteur (Rock Hudson) tente de sauver les orphelins victimes de la guerre de Corée… Inspiré de l’histoire vraie de Dean Hess, qui conseilla Sirk sur les scènes aériennes, le récit rappelle le chemin de rédemption du Secret magnifique. Romanesque et émouvant. |
Les Amants de Salzbourg Une jeune Américaine, installée à Munich, est courtisée par l’un de ses compatriotes, médecin, mais tombe amoureuse d’un chef d’orchestre… Sirk utilise en virtuose miroirs et reflets pour dire les identités brouillées de ses personnages, flottant entre raison et passion, ancien et nouveau monde. |
La Ronde de l’aube Pendant la « Grande Dépression » des années 1930, un journaliste (Rock Hudson) veut consacrer un portrait à un pilote itinérant de voltige aérienne (Robert Stack) et à l’épouse que celui-ci délaisse (Dorothy Malone)… La seule adaptation de Faulkner qui trouva grâce aux yeux du romancier, portraits poignants de personnages sans espoir. Puissant et sombre. |
Le Temps d’aimer et le temps de mourir De retour du front russe, un soldat allemand (John Gavin) découvre sa ville dévastée par les bombardements. Il rencontre la fille (Liselotte Pulver) de son médecin de famille… Deux amoureux dans un monde voué à la destruction : d’après Erich Maria Remarque, mais en pensant très fort au destin de son propre fils. L’un de ses plus grands films, romantique et désespéré. |
Mirage de la vie Une apprentie actrice (Lana Turner) qui élève seule sa fille engage une gouvernante noire dont la fille, métisse, paraît blanche de peau… Où est la vraie vie, où est le simulacre ? Chronique d’un bonheur illusoire, le récit ultra romanesque dénonce le racisme de la société américaine des années 1950. Sirk achève sa carrière sur un chef-d’œuvre. |
Autour de Douglas Sirk |
Tous les autres s’appellent Ali Allemagne, années 1970 : une veuve d’un certain âge tombe amoureuse d’un immigré marocain plus jeune qu’elle… Fasciné par les films de Sirk, Fassbinder s’inspire de Tout ce que le ciel permet pour signer un vibrant plaidoyer antiraciste. |
Loin du paradis Années 1950. Les Whitaker semblent former un couple heureux. Jusqu’à ce que Madame (Julianne Moore) voit Monsieur (Dennis Quaid) embrasser un homme… Todd Haynes ne cache pas sa dette envers Sirk dans cette critique virtuose d’un conformisme aliénant. |
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