Jane B. par Jane B.


Posté le 14.09.2016 à 11H30


 

Retenue le matin à Londres par des funérailles, Jane Birkin s'était fait un devoir d'assister à la soirée que nous lui consacrions ce mardi 13 septembre. Engagement tenu : yeux bleus, cheveux châtain, teint pâle, le nez aquilin, elle a régalé une heure durant un public avide d'anecdotes.

 

BirkinInsta

 

Entendre la voix de Jane Birkin par l'entremise d'un écran, par exemple lors de cette discussion sur canapé avec la scénariste Colo Tavernier à propos de Daddy Nostalgie, projetée en préambule, c'est une chose. L'entendre à quelques mètres de soi, c'en est une autre (Martin Scorsese, pour qui elle avait poussé la chansonnette lors du dernier festival Lumière, en sait quelque chose). Car il y a dans sa diction, clapotante, dans ses chuintements, so british, dans son rire, barré d'un éternel diastème, quelque chose de réconfortant. Jane Birkin parle comme on lit un conte aux enfants pour les coucher. Un conte, d'ailleurs, sa vie en est un, elle l'aura souligné à maintes reprises, insistant sur la chance qui a été la sienne, jeune fan de comédies musicales incapable de prononcer les "r" à la française, de rencontrer tant de personnes (et a fortiori tant d'hommes) qui, en lui donnant sa chance, ont changé sa vie.

Jacques Deray notamment, qui lui offrira, avec l'accord de Romy Schneider et Alain Delon, son premier rôle marquant sur le sol français dans La Piscine – du tournage, « électrique », elle se souvient notamment que Delon était « comme on se l'imagine », ainsi qu'elle l'a confié d'un air sybillin à Thierry Frémaux. Ou Gainsbourg bien sûr, ce séducteur « romanesque » qu'elle croyait baptisé Serge Bourguignon, ce « grand écrivain qui a réinventé le langage » dont elle fut d'emblée la muse chantante (lui, en échange, joua les managers de l'ombre) puis l'alter ego : « Quand on s'est séparé, j'ai compris que je chantais son côté féminin, son côté blessé. » Mais aussi Patrice Chéreau, qui en lui proposant d'interpréter sur les planches un Marivaux, l'a poussée dans ses retranchements phonétiques, elle qui avoue, « fichu caractère » oblige, n'avoir jamais aimé la scène et les applaudissements. Et puis John Barry, Michel Audiard, Agnès Varda (qui l'a incité à passer une nuit dans les chambres de Louis Lumière et son épouse)...

Et enfin Jacques Doillon, réalisateur de La Fille prodigue, un film « que personne n'a vu parce qu'il y avait un présidentielle » mais dont elle garde un souvenir ému : « C'était la première fois qu'on me donne un texte aussi vaste. Les films de Jacques, ils pourraient les monter comme pièces de théâtre. Il doit être un des écrivains les plus formidables en France. (...) Et il ferait n'importe quoi pour que vous soyez bien. S'il vous a donné le rôle, il pense que vous êtes un champion, que vous savez sauter. (...) Je pense que les filles, leurs plus beaux rôles sont en général avec Jacques Doillon. »

Chacun a pu se faire son opinion, avant que Jane Birkin ne reparte comme elle est venue, presque sur la pointe des pieds, préparer son retour en terres lyonnaises : ce sera le 5 novembre à la Cité des congrès, pour un tour de chant symphonique forcément inouï.