Impossible n'est pas Tom Cruise


Posté le 08.11.2016 à 11H


 

Tom Cruise appartient à une espèce en voie de disparition : celles des acteurs qui se font forts de réaliser eux-mêmes un maximum de leurs cascades. Il y eut avant lui Harrison Ford, Burt Reynolds ou, plus loin, Buster Keaton. Et après ? Le déluge, sans doute. Car Tom Cruise est le plus jusqu'au boutiste en ce domaine. En témoignent, au sommet d'une filmographie pourtant pas avare en moments de bravoure – la fuite en jetpack de Minority Report, la course-poursuite automobile de Jack Reacher, l'assaut équestre du Dernier samouraï... –, les défis impossibles qu'il a relevés sous les traits de l'agent Ethan Hunt.

 

Mission : Impossible de Brian de Palma (1996)

Adaptée de la série du même nom, produite par l'acteur lui-même, la saga Mission : Impossible est un modèle de personal branding : une entreprise de construction et de rénovation périodique du mythe Tom Cruise, action hero si performant qu'il n'a même pas besoin d'incarner un personnage pour convaincre – Ethan Hunt est une feuille blanche : au bout de cinq films, on ne sait quasiment rien de lui. Ce qui n'empêche pas les prestigieux cinéastes aux commandes du chantier d'imprimer leur marque, notamment lors des séquences à grand spectacle qui jalonnent chaque film.

Auteur du premier volet, d'une telle finesse scénaristique qu'il en devient documentaire, Brian de Palma a ainsi signé d'emblée la scène la plus emblématique de la franchise : celle de l'infiltration du QG de la CIA. Des filins, du silence et un peu de sueur : il n'en a pas fallu plus au réalisateur de Blow Up et à son premier rôle pour ficeler un numéro d'équilibrisme d'un suspense à couper le souffle.


 

M-I: 2 Mission : Impossible 2 de John Woo (2000)

Hérault du cinéma d'action hong-kongais (dont la nervosité n'a d'égale que la virtuosité, faut-il le rappeler), John Woo rallie Hollywood au début des années 90. Il signera là-bas six longs métrages aux fortunes diverses, fossé culturel oblige, dont ce deuxième épisode qui, pour le coup, ravagera le box office américain. Il faut dire que le maître a mis les petits plats dans les grands : totalement over the top, Mission: Impossible 2 est un blockbuster super-héroïque avant l'heure, un pur exercice de style qui le voit, Pygmalion en pleine montée d'adrénaline, transposer les gimmicks qui ont fait sa célébrité (ralentis, jeux avec les éléments et envols de colombes) en un ballet de feu et d'acier tout à la gloire de l'étoile Tom Cruise.

Paradoxalement, la scène la plus impressionnante du film est aussi la plus zen : le générique d'ouverture, durant lequel l'acteur se prête à une séance d'escalade christique à 800 m au-dessus du vide, à Dead Horse Point dans l'Utah. Séance qu'il a évidemment tournée sans doublure (à l'exception de la quasi-chute).


 

Mission : Impossible 3 de J.J. Abrams (2006)

Avant de marcher dans les pas éclairés au facteur de flare de Steven Spielberg (avec Super 8) et de re-magnétiser les deux pôles du space opera (Star Trek et Star Wars), J.J. Abrams faisait la pluie et le beau temps à la télévision, écrivant, produisant et réalisant quelques-unes des séries les plus retorses et fascinantes de l'histoire du medium, Alias et Lost en tête. À l'époque, le rapport de force entre petit et grand écran était sensiblement différent de ce qu'il est aujourd'hui : les networks ne courtisaient pas encore les cinéastes, tandis que les showrunners, eux, attisaient la convoitise des studios. Abrams franchit le pas à l'invitation de Tom Cruise avec Mission: Impossible 3, et avec la manière : variation ludique sur le True Lies de James Cameron, le film déploie une maîtrise insolente, dans sa forme comme dans son rythme, tout en étant le premier de la franchise à revenir aux fondamentaux collégiaux du feuilleton originel.

Son climax réside, là encore, dans une performance de Tom Cruise : à Shanghaï, après avoir dérobé la très convoitée et très mystérieuse "Patte de lapin", l'acteur enchaîne un saut de l'ange depuis un gratte-ciel (tourné en studio faute d'autorisation, mais l'intention y est), l'esquive d'un poids lourd en plein dérapage incontrôlé (pour le coup réalisée sans trucage) et une poursuite en voiture flingue en main, suspendu au dessus du bitume. Une succession de prises de risques qui valut ces mots à un vétéran canadien de la cascade :

« Je suis très surpris que ses producteurs le laissent faire. Bien sûr, il en fait souvent partie, ceci explique cela. (...) Mais il ne faut pas que les autres aillent sur le plateau et le voient ils auraient une attaque. Je suis très impressionné par sa volonté et ses capacités. »

Les harnais et le montage font le reste.


 

Mission : Impossible Protocole fantôme

Après le transfuge de la télévision, place à celui du cinéma d'animation. En l'occurrence Brad Bird, réalisateur du Géant de fer, conte spielbergien devenu à force de rediffusions un classique absolu du genre (redécouvert lors du festival Lumière 2016), et démiurge à tout faire de Pixar – non content d'avoir réalisé Les Indestructibles, oscarisé en 2007, il a sauvé du naufrage Ratatouille, d'ailleurs lui aussi oscarisé. Pour lui comme pour Abrams, Mission: Impossible sera un baptême du feu, y compris au sens pyrotechnique. Et une fois encore, Tom Cruise aura eu le nez creux : avec l'inventivité et la candeur cartoonesques d'un enfant farfouillant dans une malle de jouets, Brad Bird remet au goût du jour la formule éprouvée par James Bond (gadgets, femme fatale, souvenirs de Guerre froide), trouve le parfait dosage entre suspens, action et humour et signe ce que d'aucuns considèrent comme le meilleur épisode de la série.

À presque cinquante ans, Tom Cruise y fait montre pour sa part d'une forme éblouissante, que résume à elle seule la scène de l'ascencion à la force de ventouses de la tour Burj Khalifa, la plus haute du monde. Vertigineux, littéralement.



Mission : Impossible 5 - Rogue Nation

S'il est un art dans lequel excelle Tom Cruise, c'est bien celui du renvoi d'ascenseur. Christopher McQuarrie le réinvente en anti-héros badass dans l'implacable Jack Reacher ? Le voilà propulsé à la tête du cinquième Mission: Impossible. Scénariste aussi à l'aise dans le polar à tiroirs que dans la commande super-héroïque il a travaillé avec Bryan Singer sur Usual Suspects et le premier X-Men , McQuarrie signe un épatant compromis entre faux-semblants narratifs et coups d'éclat visuels. Si épatant qu'il sera le premier à rempiler avec Mission: Impossible 6 en 2017.

Tom Cruise lui, reste fidèle à sa réputation de tête brûlée. En témoigne ce hijacking d'un Airbus A400 lancé à pleine vitesse. Tourné en quate prises, la scène a décroché quelques mâchoires dès la diffusion de la bande annonce. Mais elle a aussi arraché quelques sueurs froides à son interprète :

« Je me souviens avoir été frappé par une pierre. Elle était miniscule, vous ne pouvez pas imaginer. J'ai cru qu'elle m'avait cassé une côte. J'ai eu de la chance qu'elle percute ma veste et pas mes mains ou mon visage, elle serait passée au travers. »

Mais jusqu'où ira-t-il ?


 

 


Nuit Mission : Impossible
Samedi 26 novembre dès 19h