ET LA FEMME CRÉA HOLLYWOOD
Une leçon d'Antoine Sire


Posté le 14.12.2016 à 11H


 

Après la rétrospective (lors du dernier Festival Lumière), après le livre et après l'exposition, Antoine Sire consacrait hier une conférence à Hollywood, la cité des femmes, du nom de son livre. Retour sur un véritable cours magistral.

 

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© Institut Lumière / Aurélie Raisin

 

Il y eut Katharine Hepburn, actrice « attachante et énergique » qui profita de son succès pour imposer aux studios ses sujets (et ses partenaires), souvent à contre-courant des idées sociales de son temps – ainsi des films qu'elle tourna avec Spencer Tracy, caractérisés par une complicité conjugale alors rarissime à l'écran.

Il y eut Myrna Loy, une femme « superbe et pleine de dignité » qui, l'espace d'un tour du monde, mis sa carrière entre parenthèses par lassitude des rôles superficiels qui étaient son lot quotidien et parvint elle aussi à obliger MGM à se plier à ses envies.

Il y eut aussi Bette Davis, peut-être l'actrice la plus accomplie de son époque, dont le goût du défi la poussait à privilégier les partitions de femmes mauvaises ou laides et qui, graduellement insatisfaite par les scénarios qui lui étaient proposés, plaquera la Warner avant de s'exiler temporairement à Londres.

Il y eut encore Barbara Stanwyck, la favorite de Cecil B. DeMille (et celle de l'auteur), qui réalisait ses propres cascades, Olivia de Havilland, dont le procès victorieux contre la Warner, encore elle la compagnie l'avait mise à pied après plusieurs rejets de personnages de demoiselles en détresse , modifia le rapport de force entre producteurs et comédiens, Ida Lupino, qui en tant que réalisatrice aborda des thématiques occultées par ses pairs masculins notamment le viol, mais du point de vue de la victime...

Toutes ces femmes et tant d'autres qui, dans un Âge d'or plafonné de verre des années 30 à l'après-guerre, marquées par la toute puissance misogyne des producteurs, l'instauration du code Hays, outil de censure garantissant une représentation conformiste de la société, et la Grande dépression , parvinrent à dépasser leur statut d'icônes glamour pour contribuer à l'évolution des mœurs de leur temps, Antoine Sire les connaît bien. Très bien même.

Il l'a démontré hier au Hangar du Premier-Film le temps d'une conférence en forme de digest de sa bible Hollywood, la cité des femmes, objet luxueux et érudit récemment paru aux éditions Institut Lumière / Actes Sud. Un exercice auquel cet ex-ponte de la communication en milieu bancaire s'est livré avec un enthousiasme et un sérieux (extraits, clichés, chapitrage Powerpoint : un vrai travail d'universitaire) communicatifs. La cohue massée plus tard dans la soirée devant sa table de dédicace ne ment pas.