Chabadabada
Un homme, une femme, six questions

 


Posté le 26.05.2016 à 11H06


 

Une « love story » contrariée, éclatée, racontée comme on ne l’avait pas encore fait : en mai 1966, Un homme et une femme obtient la Palme d’or du Festival de Cannes et réunit plus de 4 millions de spectateurs en France, touchés par le romantisme et la spontanéité du style Lelouch, qui bouscule le récit traditionnel. On croit tout savoir de ce kaléidoscope d’images devenues mythiques ? Voici six questions que vous posiez peut-être – et les réponses qui vont avec !


UN HOMME ET UNE FEMME 2

 

Qui est l’autre compositeur de la B.O. d’Un homme et une femme ?

« Chabadabada chabadabada », vous connaissez ? Bien sûr. Mais Francis Lai, complice de Claude Lelouch, auteur de cet air illustre sur lequel Nicole Croisille a placé sa voix, n’est pas l’unique mélodiste à faire entendre ses notes dans Un homme et une femme. Pierre Barouh, qui joue le mari disparu d’Anouk Aimée, était fan de musique brésilienne en général, et de bossa nova en particulier. Il fit écouter à Lelouch l’adaptation qu’il avait faite de Samba de Bencao, de Baden Powell et Vinicius de Moraes : Samba Saravah, qu’il chante avec cet air de ne pas y toucher qui fait son charme. Lelouch lui promit qu’elle serait dans le film… Parmi les premiers spectateurs, un juré Cannois pas comme les autres : le poète Vinicius de Moraes lui-même, très surpris d’entendre une version française de son texte, sans être pour autant crédité au générique. Ce que Lelouch s’empressa de corriger.

 

De qui Lelouch a-t-il triomphé à Cannes 1966 ?

En remportant la Palme d’or, ex-aequo avec  Ces Messieurs dames, de Pietro Germi (qui, côté comédie italienne, a devancé L’armée Brancaleone, de Monicelli), Lelouch double quelques candidats de choix : Pier Paolo Pasolini (pour Uccellacci et Ucellini), Orson Welles (pour Falstaff), Volker Schlöndorff (pour Les Désarrois de l’élève Toerless). Seul le cinéaste allemand se rattrapera par la suite. La victoire d’Un homme et une femme ? C’était « couru d’avance » selon l’envoyé spécial (d’alors) du New York Times, déplorant le chauvinisme français. Mais Un homme et une femme est l’un des deux films que Le Monde sauve d’un « palmarès consternant ».

 

C’est quoi la méthode Lelouch ?

Entre autres, surprendre ses acteurs. A la toute fin du film (attention, spoiler !), Lelouch avait envoyé Anouk Aimée dans le train Deauville-Paris (en réalité le Mantes-Paris, c’est plus court) pour la filmer sur le quai d’arrivée en veuve éplorée qui a renoncé à l’amour. Elle ne savait pas que le personnage joué par Jean-Louis Trintignant l’attendrait là, bien décidé à ne pas rester sur un échec. « Au moment où Anouk aperçoit Trintignant, raconte Lelouch dans Ces années-là (Fayard), son étonnement est sincère. Si elle avait lu la fin du scénario, elle n’aurait pas joué la surprise avec la même force. En plus, elle fait semblant de ne pas être surprise, elle pense : « Mais qu’est-ce qu’il me fait, Lelouch ? » Elle est dans une réelle confusion et elle ne joue plus la comédie, donc elle la joue mieux que jamais et cette scène bouleverse la terre entière »

 

Comment est né Un homme et une femme ?

Claude Lelouch, qui a déjà menacé d’abandonner le cinéma (il a détruit à la hache le négatif de son premier film, Le Propre de l’homme) vient, de son propre aveu, de tourner « un deuxième navet », Les Grands Moments, produit par Pierre Braunberger, l’un des producteurs de la Nouvelle Vague. Pour s’isoler et réfléchir à cet échec programmé, Lelouch file sur l’autoroute de l’Ouest, à toute allure. Direction Deauville. Sur la plage, à six heures du matin, il voit une « femme de dos qui marche pieds nus entourée d’un enfant et d’un chien. Au fur et à mesure que je m’approche d’elle, j’essaie d’imaginer sa vie. » Le cinéaste file alors au bistro de la gare de Deauville et rédige le premier jet de ce qui sera Un homme et une femme… Que ne produira pas Pierre Braunberger !

 

Pourquoi y a-t-il deux Sire au générique de Un homme et une femme ?

Parce que – comme souvent dans les films de Claude Lelouch – c’est la voix suave de Gérard Sire qui sort de l’autoradio, commentant le rallye de Monte-Carlo ou même servant de narrateur au récit. Homme de radio, complice et coscénariste de Jean Yanne, Gérard Sire était celui qui avait permis à Lelouch de gagner sa vie en réalisant des « scopitones », ancêtre des clips musicaux. Et c’est le propre fils de Gérard Sire qui joue le rôle d’Antoine Duroc, à l’écran le fils de Jean-Claude Trintignant, que l’on voit conduire la voiture paternelle (la surprise de la toute première scène) et rêver de camion de pompiers. Aujourd’hui, Antoine Sire, grand cinéphile, est un habitué du Festival Lumière.


Antoine Sire Dans Un Homme Et Une FemmeAntoine Sire dans

 

A quels Oscars Un homme et une femme fut-il nommé ?


Un petit film français fauché, rafle en 1967 l’Oscar du meilleur film étranger, triomphant des Amours d’une Blonde (Milos Forman), de La Bataille d’Alger (Gillo Pontecorvo), et de Pharaon (Jerzy Kawalerowicz), déjà écarté à Cannes. Claude Lelouch monte sur scène au son du « Régiment de Sambre-et-Meuse » (une certaine idée de la France) et espère, en français, que les cinéastes feront comme lui des films d’amour « pour que cessent toutes les guerres du monde… » ! Mais ce soir-là, Lelouch (et son complice Pierre Uytterhoeven) recevront aussi l‘Oscar du meilleur scénario original. Et, à une époque où les films étrangers accèdent encore aux catégories majeures, Claude Lelouch est nommé meilleur metteur en scène, Anouk Aimée meilleure actrice. Sans succès. La comédienne obtiendra tout de même le Golden Globe de la catégorie, un Bafta (Oscars britanniques), un prix au Mexique. Un fructueux tour du monde.

Adrien Dufourquet


Un homme et une femme de Claude Lelouch

Ve 27/05 à 19h - Sa 28/05 à 20h30 - Di 29/05 à 16h45

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