Pas de quartier
Polanski et son bateau de « Pirates »

 


Posté le 6.05.2016 à 10H19


 

Après avoir longtemps mouillé dans le port de Cannes, bien après que Pirates eut fait l’ouverture du Festival en 1986, le galion Neptune, construit par des chantiers navals tunisiens, pour huit millions de dollars – un cinquième du budget du film – se visite aujourd’hui à Gênes, en Italie (5 euros l’entrée). Cette copie d’un galion espagnol du XVIIème siècle, qui navigue à voile et à moteur, symbolise le perfectionnisme et l’entêtement de Roman Polanski, bien décidé à revisiter, à sa façon, le cinéma d’aventures qui l’a enthousiasmé enfant.

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A l’origine, c’est Jack Nicholson qui doit jouer le forban d’expérience, accompagné de son disciple qu’aurait interprété Roman Polanski lui-même ; les années passant, le budget augmentant, le cinéaste renonça à faire l’acteur et choisit un duo de comédiens inattendu : Walter Matthau, vétéran de la comédie américaine, et le jeune Français Cris Campion. Echec commercial, mais curiosité dans le parcours de Polanski, Pirates part d’une constatation simple : « A Disneyland, l’attraction la plus populaire est celle des pirates. Je l’ai vue et revue sans me lasser. » Vingt ans plus tard, Disney lançait la série Pirates des Caraïbes, l’une des « franchises » les plus fructueuses du cinéma hollywoodien. Roman Polanski avait eu raison trop tôt…

Roman Polanski : « Toute une mythologie s’est greffée autour des exploits et des aventures des pirates. C’est souvent amusant, romantique, rocambolesque. Mais si vous analysez les faits, vous constatez que ça devait être aussi horrible que le terrorisme aujourd’hui. Le film est une caricature, mais sans exagération. Je ne me moque pas des films de pirates. Le genre me sert pour raconter des choses drôles. Et je les raconte sérieusement, mais avec ironie. En faisant ce film avec Gérard Brach, nous ne cherchions pas, d’abord, à commémorer un genre. Nous voulions faire un film espiègle, léger.

Quand nous avons commencé à y penser, au milieu des années 70, l’époque était tellement sérieuse, chargée de messages et de philosophie. On a d’abord fait des recherches dans les histoires de cape et d’épé. Robin des Bois reste un de mes plus beaux souvenirs d’enfance… Et puis on a commencé à revoir des films de pirates. Et on a été un peu déçus, quand même. Ils sont, dans l’ensemble, plutôt mal foutus. Le meilleur reste Capitain Blood [Michael Curtiz, 1935].

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Pirates, cela n’a rien à voir avec ma biographie, c’est sûr. Mais cela a beaucoup à voir avec mes obsessions, et d’abord mon obsession majeure, celle de la forme, celle de certains objets, celle d’un certain habit rouge que j’ai vu dès qu’on a commencé à écrire le scénario et dont j’ai rêvé jusqu’au début du tournage. Tous ces héros sans scrupules, ces salauds bon vivants, ces crapules sympathiques, je me suis attaché à eux, je les ai beaucoup aimés. 

Le galion est important, parce qu’il sert à raconter l’histoire, parce que l’action y prend place. Mais le piège aurait été d’exploiter ce bateau, et de vouloir rentabiliser, en quelque sorte, le coût très élevé de sa construction. Ç’aurait été forcément au détriment de l’histoire. Iriez-vous voir un documentaire sur un beau galion ? Moi pas ! C’est vrai que Pirates est un film très cher. Mais c’était un projet plutôt commercial, plaisant, divertissant et moi, j’ai quand même déjà fait mes preuves. Eh bien, cela avait l’air impossible à monter. On aurait dit que le monde du cinéma avait décidé qu’il n’y avait plus de place pour moi. L’acharnement que je mettais à mettre ce film sur pied, on aurait dit que d’autres le mettaient à m’en empêcher. »

Propos tirés d’entretiens parus en 1986, notamment dans Le Point et Marianne


Adrien Dufourquet


Pirates de Roman Polanski
Me 4/05 à 21h - Ve 6/05 à 16h15

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