Costa-Gavras :
« Z, un moyen de crier "à bas les colonels !" »

 


Posté le  01.09.2015 à 12h35



ENTRETIEN - Auréolé du Prix du jury lors du Festival de Cannes en 1969, Z a constitué pour Costa-Gavras le point de départ d’une réflexion profonde sur le pouvoir et ses dérives.

Le réalisateur franco-grec revient sur ce qui fut le premier acte d’une trilogie avant L’Aveu (1970) et État de siège (1973).

 


 

Véritable réquisitoire contre la dictature des colonels instaurée en Grèce en 1967, le long métrage traite de la période d'instabilité qui précéda leur coup d'État. Le film s'inspire du roman éponyme de Vassilis Vassilikos portant sur l'assassinat du député grec Grigoris Lambrakis en 1963, à Thessalonique. Il narre l’enquête d’un juge d’instruction - interprété par Jean-Louis Trintignant - après l’assassinat maquillé en accident d'un leader politique de gauche - joué par Yves Montant.

Qu'est-ce qui vous a mené à la réalisation de Z ?

L’épisode du coup d’État des colonels, en Grèce, en 1967 (menée par une junte militaire, la dictature instaurée dans la foulée prit fin en 1974, NDLR). Il m’a immédiatement semblé important de faire un film sur ce putsch, que j’ai relié à la trame du roman éponyme de Vassilis Vassilikos. J’en ai parlé au co-scénariste du film, l'écrivain espagnol Jorge Semprún, avec qui j'ai ensuite collaboré pour L'Aveu et qui connaissait vaguement l’histoire. Il a tout de suite accepté de se joindre à l’aventure.

Z a-t-il été difficile à financer ?

Oui. Nous espérions des Productions Artistes Associés qu’ils nous octroient un peu d’argent, mais la lecture du scénario leur a déplu. Entre-temps, des acteurs comme Yves Montant ou Jean-Louis Trintignant - qui interprète le juge d'instruction et reçut pour son rôle le Prix d'interprétation masculine à Cannes - ont accepté de faire le film, mais nous n’arrivions pas à trouver de financements malgré ces grands noms. Nous avons finalement obtenu une avance sur recettes qui a été déterminante.

Quel souvenir gardez-vous de la préparation du film et de son tournage ?

Nous avons été obligés d’arrêter sa préparation à cause des événements de Mai 68. Pendant les grèves, nous nous sommes mis en quête de plus d’argent, sans grand succès. L’autre problème, c’était le lieu du tournage. Le sud de la France était inenvisageable visuellement et en Italie, ils refusaient de nous accueillir. Nous avons été en Algérie, plus précisément à Alger, pour des repérages. La ville convenait parfaitement à l'idée que j'avais des décors du film. Sur place, le ministre de l’information nous a promis de nous offrir toutes les facilités pour le long métrage, y compris des techniciens, mais pas de le financer. Z a cependant été réalisé dans des conditions très enthousiastes.

 



Que souhaitiez-vous montrer au travers de Z ?

Pour nous, ce film était un moyen clair de crier « à bas les colonels ! ». C’étaient des imbéciles et des assassins. Z a été réalisé avant tout en signe de protestation. Tous les acteurs qui ont participé à ce film l’ont fait dans cet état d’esprit, Jean-Louis Trintignant et Yves Montant compris.

Pourquoi votre choix des acteurs s’est-il d'ailleurs porté sur Jean-Louis Trintignant et Yves Montant ?

J’avais déjà travaillé avec eux sur de précédents films. Nous avions déjà tourné Compartiment tueurs (1965) ensemble et le film avait très bien marché. À l’époque, ce sont les assistants qui composaient le casting des films et ayant occupé ce poste pendant de nombreuses années, je connaissais beaucoup d’acteurs. Ils étaient tous d’accord avec le sujet et ma façon de le traiter.

Trouvez-vous que la jeune génération de cinéastes est trop passive face aux pouvoirs actuellement en place ?

Non. Les pouvoirs en place sont simplement différents de ceux auxquels nous faisions face par le passé. La situation est différente et de nombreux films parlent de ces nouveaux pouvoirs de façon très intéressante.

Z sera présenté dans une version entièrement restaurée que vous avez supervisée. Pouvez-vous nous en dire un mot ?

Nous avons effectué un très long travail pour retrouver les couleurs et les tons d’origine du film, qui avaient été sculptées, c’est le mot, par Raoul Coutard. C’est un très grand chef opérateur. Au total, elle a duré environ deux mois. 

Propos recueillis par B.P.

 

Présenté par KG Productions avec le soutien du CNC. Négatif original numérisé en 4K et restauré image par image en 2K par Éclair Group et par LE Diapason pour le son. Restauration et étalonnage supervisés par Costa-Gavras.

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Z, de Costa-Gavras (1969, 2h07)

> Première projection mardi 15 septembre à 21h, précédée d'un rencontre avec le cinéaste animée par Thierry Frémaux. Séances supplémentaires les 18 septembre (18h45) et 20 septembre (17h45), ainsi que le 3 octobre (16h15)

> Rétrospective entièrement dédiée à Costa-Gavras du 1er septembre au 3 octobre 2015 à l'Institut Lumière