Conversations avec Claude Sautet




Posté le  02.10.2014 à 21h44


 

Michel Boujut

Edition définitive

Disponible en librairie

 

COUV Claude Sautet

 

Avant-propos de Thierry Frémaux
Préface de Daniel Auteuil
Postface de Bertrand Tavernier

 


    L’édition définitive du livre de l’écrivain et critique Michel Boujut, Conversations avec Claude Sautet, épuisé depuis sa dernière parution en 2001.

 

   Le livre est augmenté d’un avant-propos de Thierry Frémaux et d’une préface de Daniel Auteuil, qui joua pour Claude Sautet dans Quelques jours avec moi (1987) et Un coeur en hiver (1992), et d’une postface de Bertrand Tavernier qui fut, avant de devenir cinéaste, l’attaché de presse de Claude Sautet puis son ami. En outre, le livre contiendra le texte écrit par Claude Sautet sur Le Jour se lève de Marcel Carné, paru initialement dans la revue Positif.

Ouvrage publié avec le concours de la SACD.

Conversations avec Claude Sautet de Michel Boujut
Format : 14,5x24, 352 pages, 21 illustrations, Index des noms , Index des oeuvres
Prix : 22 ,80 €


    Claude Sautet est né à Montrouge en 1924. Scénariste réputé, directeur d’acteurs exceptionnel, cinéaste dont l’oeuvre grandit avec les années, il a débuté dans la mise en scène avec Classe tous risques en 1960. Des Choses de la vie à César et Rosalie, du Mauvais fils à Un Coeur en hiver, il a offert au cinéma français quelques-uns de ses films les plus marquants. Après avoir réalisé un dernier chef-d’oeuvre, Nelly et Monsieur Arnaud, Claude Sautet, aussi secret que ses films étaient célèbres, est mort en 2000. Son amitié pour Michel Boujut a rendu possible ces Conversations, parues initialement en 1994, où il se confiait sans retenue. Depuis sa disparition et celle de Michel Boujut en 2011, il était important de rééditer ce livre dans une version complète et malheureusement définitive.


    Michel Boujut est né en 1940 à Jarnac et mort en 2011 à Paris. Ecrivain, journaliste, critique, homme de radio et de télévision, il est l’auteur de nombreux ouvrages sur le cinéma et sur la musique ainsi que des essais et de la fiction. Co-fondateur avec Anne Andreu et Claude Ventura de l’émission Cinéma, Cinémas, il a aussi écrit des livres en collaboration avec Jacques Tardi. Réfractaire à la guerre d’Algérie, il déserte pour se réfugier en Suisse. Entre-temps, il sera caché à Paris dans des salles de cinéma, épopée qu’il raconte dans l’un de ses derniers livres : Le Jour où Gary Cooper est mort (Rivages). Dans la collection Institut Lumière / Actes Sud, il a aussi publié La Promenade du Critique en 1996.


    Rétrospective Claude Sautet : Huit films ont été restaurés par StudioCanal, ainsi que Garçon ! et Une Histoire simple par Pathé. Ces films, bénéficiant du montage ultime décidé par Claude Sautet peu avant sa mort, ainsi que le reste de ses réalisations, feront l’objet d’une rétrospective au festival Lumière de Lyon (13/19 octobre 2014) puis sortiront en salles, en dvd et Blu-ray.

 


 

(Extrait)


LE DESSIN DANS LA TAPISSERIE

Michel Boujut


    Sautet et ses films-giboulée qui lui ressemblent, des films « sans graisse», portés et emportés par un mouvement musical, sur un air de bandonéon. Sautet ou la vie saisie dans le détail : éclats furtifs et désastres intimes de couples qui se trouvent et se perdent derrière les vitres des cafés, pendant que la pluie tombe sur Paris-banlieue. Sautet, le peseur d’âmes, Sautet le luthier et le lutteur qui n’aime rien tant montrer que les combats douteux et les destins incertains. Sautet dont les histoires sont « simples » comme « les choses de la vie » ; et chez qui l’euphorie d’un moment se paye au prix fort : sortie de route ou réveil douloureux.


    Max, César, Vincent, François, Paul, Simon, Alex, Stéphane et les autres : les hommes sont en bande comme des caribous, ou seuls face à eux-mêmes. Ou les deux à la fois. Désarroi et impuissance, au fil des jours, le temps d’un week-end à la campagne… Hélène, Lily, Rosalie, Mado, Marie ou Camille : les femmes sont plus accomplies et finalement moins vulnérables. Compagnes attentives et déçues de nos caribous… Est-ce ainsi que les hommes vivent ? De tout ça et du reste, encore fallait-il faire parler Sautet : on sait si peu de lui. Et donc surmonter sa pudeur d’homme, sa discrétion de cinéaste, aussi peu courantes l’une que l’autre.


    Nous sommes amis depuis quatorze ans, depuis Un Mauvais fils, si l’on préfère. Un déjeuner avait suffi à mettre entre nous toutes les (bonnes) raisons de se revoir. Qu’il aimât le jazz et les tartes aux pommes, qu’il ait signé le Manifeste des 121, que sa morale s’ancrât dans l’action, cela suffisait, cela disait tout entre les lignes. Par la suite, les occasions ne nous ont jamais manqué. Beaucoup de soirées avec sa Graziella et ma Mano, beaucoup d’emportements, de fous-rires, de discussions sérieuses, d’effusions. Tout un parcours, comme il aime à dire, quelques épreuves et des films trop rares.


    Pour les besoins de ce livre, nos conversations sur cassettes-audio ont dû prendre un tour plus ordonné et mieux peigné, mais non moins personnel. À raison de quatre ou cinq heures à chaque rencontre, en suivant le fil d’Ariane de sa filmographie. Sa voix, parfois, se brisait, l’émotion le submergeait, d’avoir à évoquer tel ou tel de ses souvenirs de tournage. Rien n’aurait pu mieux montrer la “vérité” de ses fictions au goût de miel âcre, ni de ses personnages qui vacillent. Il se reprenait et nous reprenions. Il parlait de sa vie, nous étions dans ses films. Ecran-miroir par lequel le dévoilement se faisait. Je me souvenais de ce qu’Alain Cavalier m’avait dit d’Un Coeur en hiver : « Sautet s’y dévoile jusqu’à l’effarement. »


    Le lendemain ou le surlendemain, nous nous retrouvions pour relire à haute voix mes retranscriptions en double exemplaire. Préciser, prolonger, élaguer… Un jour que nous corrigions, Emmanuelle Béart lui a téléphoné. Et c’était comme si, soudain, un nouveau film commençait.

   Claude avait peur des banalités, des redites, des mots galvaudés : euphorie, égarement, crise, compassion… Alors nous cherchions à contourner l’obstacle. « C’est comme l’écriture d’un scénario », me disait-il. Et, de fait, une histoire naissait, prenait son envol. La vie venait avec, sans se hausser du col. Les sentiments avec les images, le métier de vivre et le métier du cinéma.


    Et le dessin dans la tapisserie ? On tire un fil, tout le reste suit. Comme un reflet dans la vitre.


Michel Boujut (1994)