Sommet sur la restauration de films de la HFPA
Le compte rendu de The Hollywood Reporter

Jane Fonda appelle Hollywood à « investir autant dans la conservation des films que dans leur réalisation »


Posté le 10.03.2019 à 10H


 

Lors du Sommet de la restauration de films organisé par la HFPA samedi dernier, l’actrice et militante s’est alarmée des fonds « terriblement insuffisants » alloués à la restauration et à la conservation des œuvres cinématographiques.  

 

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En qualifiant de « terriblement insuffisantes » les ressources destinées à la conservation du patrimoine cinématographique hollywoodien, Jane Fonda a encouragé Hollywood à « investir autant dans la conservation des films que dans leur réalisation ».

Il s’agit de l’appel à l’aide lancé lors du Sommet de la restauration de films qui s’est tenu samedi dernier au Theatre at Ace Hotel, à Los Angeles. Organisé chaque année par la Hollywood Foreign Press Association (HFPA), l’événement avait pour partenaires The Film Foundation et l’Institut Lumière.

« Plus de 50% des films réalisés avant 1950 sont perdus à jamais », a déploré Meher Tatna, Présidente de la HFPA, avant de souligner les efforts produits par son association dans la préservation du patrimoine cinématographique via la restauration de films. Mme Tatna a ajouté que la HFPA – qui contribue à la cause depuis des décennies – a déjà investi plus de 6,5 millions de dollars dans pas moins de 125 projets de restauration de films.

Jane Fonda a, elle, souligné qu’il ne s’agit pas seulement de préserver les classiques du cinéma hollywoodien mais aussi « les actualités » (ces courts films projetés avant la séance, NdT) et le matériel documentaire. « Il y avait derrière tous ces films la volonté de témoigner du monde d’alors et de s’assurer qu’on ne l’oublierait jamais », a déclaré l’actrice et militante. « En laissant disparaître des documents qui appartiennent à notre passé, on court le risque de se retrouver avec un puzzle auquel il manque des pièces. Il est impossible de savoir où l’on va quand on ignore où l’on est déjà allés. »

« Je suis accablée de voir le nombre de films qui nécessitent un travail de restauration et de conservation, et l’absence de fonds pour répondre à cette demande, a-t-elle poursuivi. La plupart des studios réduisent leur budget alloué à l’archivage… sans parler des difficultés auxquelles doivent faire face les réalisateurs et réalisatrices indépendants ».

Sandra Schulberg, Présidente de IndieCollect – une association qui lutte pour la conservation des films –, et modératrice de la discussion, a évoqué une « crise dans laquelle nous nous retrouvons engloutis ». De son côté, Jan-Christopher Horak, Directeur de UCLA Film & Television Archive, a confirmé que dans son université, « les programmes de préservation de films reposent uniquement sur des fonds privés ».

Alexander Payne, réalisateur et membre du conseil d’administration de la Film Foundation, a également tiré la sonnette d’alarme et appelé à une vague de financement. « Si nous mettons tous la main à la pâte, si tout le monde dans cette pièce donne 50 dollars, on arrive déjà à quelque chose ».

La HFPA a récemment fait un don de 200 000 dollars au Festival Lumière pour accompagner la deuxième phase de restauration des films d’une minute des frères Lumière. Thierry Frémaux, Directeur de l’Institut Lumière et Délégué général du Festival de Cannes, a souligné que l’on doit l’invention du cinéma aux frères Lumière, lesquels ont permis aux spectateurs de visionner des images mouvantes sur grand écran. Il a ensuite déclenché les rires de l’assistance en lançant avec malice que Thomas Edison était aussi souvent cité comme l’inventeur du cinéma mais que « la revanche d’Edison, c’est peut-être Netflix ».

Dans un second temps, Thierry Frémaux a offert au public du Sommet un aperçu unique de certains films restaurés des frères Lumière. Parmi eux, L’Arrivée d’un train en gare de La Ciotat, un classique de 1896, ainsi qu’une vaste sélection d’images rares où l’on peut voir des gens en plein travail ou dans leurs moments de loisirs, à la fin du 19e siècle. Les commentaires de Thierry Frémaux ont permis de mettre en évidence les prémices du langage filmique – à travers l’utilisation de la lumière et du cadre – développé par les Lumière et de découvrir le tout premier travelling de l’Histoire du cinéma, un film tourné sur un bateau.

Grover Crisp, qui gère actuellement le programme de protection, de restauration, de préservation et de remodelage numérique de films chez Sony Picture Entertainment a donné un état des lieux des techniques actuelles de restauration, de conservation et d’archivage. Il a évoqué différentes techniques d’utilisation des logiciels d’étalonnage numérique dans la restauration – spectaculaire – de la couleur. Crisp a aussi abordé certaines astuces numériques qu’il utilise pour réparer des photogrammes (avec, par exemple, le remplacement de l’œil d’un acteur par un œil pris dans une autre scène). Il a indiqué que les coûts de restauration peuvent aller de plusieurs milliers à plusieurs centaines de milliers de dollars, selon l’état de la copie. Schulberg a ajouté que la restauration d’un film peut dépasser le million de dollars.

Grover Crisp a également évoqué l’une des conséquences fortuites du passage d’Hollywood au numérique. En effet, il existe désormais des films qui sont tournés et diffusés dans la sphère numérique sans jamais passer par la pellicule. Le celluloïd occupe toutefois encore une place importante dans le travail d’archivage.

« Nous faisons toujours plusieurs copies photochimiques que nous conservons dans divers endroits du monde », a-t-il indiqué au sujet des pratiques d’archivage. Nous opérons de la même façon pour nos données digitales, qui sont l’équivalent digital d’une pellicule de film. Nous les dupliquons puis les envoyons dans différents lieux. »

Grover Crisp a ajouté que son équipe effectue également un transfert régulier des données numériques vers de nouveaux formats. « Nous les testons tous les deux, trois ans pour nous assurer qu’ils n’ont pas disparus. » Ce procédé a été développé en réponse à l’apparition de nouveau formats de stockage numérique qui rendent certains anciens formats obsolètes. On pense par exemple aux enregistrements sur VHS dont la lecture nécessite des magnétoscopes n’existant plus. Par ailleurs, il est déjà arrivé que des données disparaissent de certains formats digitaux après le stockage de ces derniers. « Ça fait presque 20 ans que l’on vit cette situation… il faut être prudent », a-t-il conclu.

Pour appuyer cette invitation à la vigilance, Alexander Payne a indiqué avoir lui-même rencontré des difficultés dans la conservation de son premier film, Citizen Ruth (1996). Les copies archivées présentaient en effet un problème de son.

Récemment invité à sélectionner une oeuvre dont la restauration serait financée par la HFPA, le réalisateur a choisi Le Pirate noir, un film muet de 1926 avec Douglas Fairbanks. Grover Crisp vient, quant à lui, de commencer la restauration en 4K de Easy Rider, film de Dennis Hopper co-écrit par Peter Fonda, dont on fête cette année le 50e anniversaire.

La soirée s’est terminée sur une projection de la version restaurée de Pour une poignée de dollars, le western spaghetti de Sergio Leone sorti en 1964 dans lequel Clint Eastwood tient le rôle-titre. La restauration du film a été financée par la HFPA et The Film Foundation.