CONSCIENCE CITOYENNE
Vincent Lindon, acteur contemporain


Posté le 18.11.2016 à 14h


 

Il avait vu tout de suite le personnage : « c’est le corps qui guide » dit-il souvent. Alors, oui, il serait ce maître-nageur en t-shirt et survêtement qui surveille d’un œil les enfants dans le bassin, donne des cours de natation, range chaque soir comme un rituel le matériel du jour, planches à nager, bouées en mousse, etc. Un type fatigué de la routine et satisfait par elle, « le ventre en avant, la voix un peu éteinte. » Le maître-nageur habite Calais, se prend d’amitié pour un jeune Kurde d’Irak, qui rêve de traverser la Manche à la nage, pour retrouver, en Angleterre, la fille qu’il aime. Quelque chose de fort se joue alors, enfin, dans sa vie.

 

WELCOME 2008 15

 

Quand Vincent Lindon a accepté de jouer dans Welcome, de Philippe Lioret, c’est peut-être le métier de son personnage qui l’a attiré en premier. « Le plus intéressant, au cinéma, c’est faire les mouvements justes » disait-il à Télérama en avril 2009. Grutier dans Fred de Pierre Jolivet, maçon dans Mademoiselle Chambon de Stéphane Brizé : Lindon est alors le comédien dont l’emploi est (notamment) d’incarner une profession. Parce qu’il ne triche pas, apprend les gestes, répète les postures. Son école, c’est la vie : observateur du réel, traqueur de comportements, il emprunte à ceux qu’il croise, convaincu que le corps exprime tout, ou presque : classe sociale, niveau d’éducation, bonheur ou résignation...

Mais quand sort le film "loachien" de Philippe Lioret, le premier, en France, à évoquer ce qui est déjà, à la fin des années 2000, la crise des migrants, prisonniers de la "jungle" de Calais, c’est un Vincent Lindon politique que l’on découvre. Le succès du film, ce qu’il provoque dans les medias et auprès des spectateurs (« à l’issue de la projection, on ne me dit pas bravo mais merci » remarque alors le comédien) prolongent l’idée qu’à force d’être un observateur de l’époque et du pays, à force de s’approcher au plus près du réel, la position de l’acteur s’est modifiée. Le voilà en débat avec Eric Besson alors Ministre de l’immigration (et de la controversée "identité nationale"), défendant sa vision, humaine et réfléchie, de la justice.

L’éveil d’une conscience – la même que celle de Simon Calmat dans Welcome ? « C’est toujours une belle histoire, celle d’un type un peu aveugle qui ouvre les yeux, qui sort de l’indifférence pour aller vers le bien. » Ce serait plutôt dans la vraie vie l’histoire d’un lent cheminement, la répétition d’un travail de précision qui conduit Vincent Lindon, 50 ans en 2009, à incarner quelque chose de la psyché d’une époque.

Suivront, dans le même registre politico-social, le premier ministre de Pater, en 2013, où Alain Cavalier gomme en virtuose la frontière entre fiction et réalité ; et le demandeur d’emploi longue durée de La Loi du marché, de Stéphane Brizé, en 2015, qui vaut au comédien le Prix d’interprétation au Festival de Cannes et un César du meilleur acteur. Ne pas faire de Welcome, film bouleversant qui n’a hélas rien perdu de son actualité, l’instant d’une métamorphose – Lindon a tourné dans plus de cinquante films avant celui-là. Mais le remettre en évidence comme une étape sur le chemin de l’excellence, du perfectionnement d’un artiste et d’un être.

 

Adrien Dufourquet

 


Invitation à Vincent Lindon - Mardi 22 novembre
Masterclassà 18h30 à l'Institut Lumière

Pater d'Alain Cavalier (2011)
à 20h au CNP Terreaux

Welcome de Philippe Lioret (2009)
à 21h à l'Institut Lumière