LA VOIE DE L'EGO
Tom Cruise, ado en solitaire


Posté le 03.11.2016 à 11H


 

Tom Cruise, même devenu une méga-vedette, même avec l'âge et la gonflette, a-t-il un jour cessé de ressembler à un adolescent américain moyen ? Un ado qui serait bon élève mais pas trop, raisonnablement turbulent, porté sur le sport et les jolies filles. Bon fils, voire gendre idéal... On a envie de répondre par la négative.

 

OUTSIDERS 1983 01

 

Il y a chez lui, comme chez beaucoup de superstars, la tentation de la jeunesse éternelle : le désir d'être, pour toujours, le jeune homme un peu timide qui se découvre amant et businessman audacieux dans Risky Business (de Marshall Brickman, 1983). Comme une idée (simpliste) d'une vie d'adulte réussie...

À la façon de Leonardo DiCaprio (qui a douze ans de moins), quelque chose de juvénile subsiste en lui coûte que coûte  le cheveu un peu long et ébouriffé, le sourire "émail diamant" qui lança sa carrière... Mais l'ado Tom Cruise ne s'est pas bâti en un jour : ses biographes évoquent à l'adolescence un type un peu bizarre, qui ne plaisait ni aux filles, ni à grand monde, quand sa mère et son beau-père se posèrent et le posèrent enfin avec eux, après une enfance assez nomade, dans la bourgade bourgeoise de Glen Ridge, New Jersey. Il faut attendre des premiers pas au théâtre du lycée  dans la comédie musicale Guys and Dolls  pour que la chrysalide devienne, un peu, papillon : le jeune Tom Cruise y fait preuve d'un naturel époustouflant, et achève d'y découvrir sa vocation. Le voilà parti pour New York, en quête d'un agent et de rôles.

Dès son deuxième film, Taps (Harold Becker, 1981), il intègre le club des jeunes acteurs surdoués et... dissipés. Comme Sean Penn, dont il est alors très proche, comme Timothy Hutton, Rob Lowe et Emilio Estevez, il semble faire partie du "brat pack". Dans les années 50, Dean Martin, Frank Sinatra, Sammy Davis Jr et consorts étaient le "rat pack"  le "club des rats". Trente ans plus tard, le "brat pack", c'est la bande des sales gosses : des types devenus (petites) vedettes alors qu'ils ont à peine vingt ans, déjà pourris gâtés, prompts à la drague et à la baston.

Mais ce n'est pas tout à fait pour lui : dans Outsiders de Francis Ford Coppola (1983), Cruise est déjà à part. Tiré d'un roman pour ados de Susan Hinton, le film raconte, dans l'Oklahoma des années 60, la rivalité entre deux bandes de jeunes : les "greasers", côté "prolos", les "socs", côté gosses de riche. Le cinéaste est à la recherche de sa propre jeunesse perdue, qu'il idéalise façon Peter Pan : les "greasers" sont des enfants perdus. Mais bien que faisant partie de la bande, Cruise incarne celui qui bosse déjà  dans une station service , met son propre destin avant les idéaux collectifs. Il refuse d'ailleurs à la surprise générale le deuxième "film de bande" que lui offre Coppola, Rusty James. Pour tourner Risky Business.

 

LEGEND 1985 10

 

Tom Cruise fait son chemin tout seul  pas en groupe. Sur le tournage de Legend de Ridley Scott (1985), qui se déroule à Londres, Sean Penn vient lui rendre visite. Sean boit, drague, fait la fête ; Tom, dents blanches et muscles saillants, bosse. Le courant ne passe plus : il chasse quasiment son pote du plateau, qui part illico à Belfast, où la vie est moins sage et plus violente. Conte d'heroic fantasy pré-Seigneur des Anneaux, le film est un échec, mais reste fascinant : en haillons, façon Mowgli, Tom Cruise y poursuit des licornes, dont le méchant "seigneur des ténèbres" veut sceller l'extinction. Ridley Scott lui a montré L'Enfant sauvage de François Truffaut, pour qu'il y puise l'inspiration de son personnage de sauvageon. Comme s'il devait reparti en arrière, désapprendre les mauvaises manières de sa génération d'acteurs, pour devenir, tout seul, un héros.

 

Adrien Dufourquet