LA FEMME DU DIMANCHE
Quand Marcello enquêtait chez les riches pervers de Turin…


Posté le 10.01.2016 à 10h30


 

C’est l’époque où les vices jusque-là cachés en imposent aux vertus publiques. Dans La Femme du dimanche (1975), Luigi Comencini montre la bonne société turinoise rongée par des appétits divers : voyeurisme, priapisme, amours tarifées, bisexualité "par ennui" et, quand même, restons dans la tradition, appât du gain… Ces riches aristos perchés sur les collines qui entourent la ville vivent leur libération des mœurs – de façon pas très satisfaisante, visiblement – sous l’œil ahuri du petit peuple qui les sert, Sardes ou Siciliens venus gagner un peu mieux leur vie au nord du pays.

 

FEMME DU DIMANCHE 1976 05

 

D’ailleurs, le sexe tue : l’architecte Garrone meurt d’un coup de phallus de pierre, une curiosité artisanale à vendre aux touristes égrillards, pourquoi pas une fois qu’ils ont visité le "lupanar" de Pompéi… ? Qui est le coupable ? Sous l’intrigue, le roman de Fruttero & Lucentini (à l’état-civil Carlo Fruttero et Franco Lucentini), les Boileau & Narcejac italiens, regorge de plaisirs philologiques sur les niveaux de langue des personnages. Il fut d’ailleurs traduit à l’époque, avec soin, par le poète Philippe Jaccottet. Et l’intelligentsia italienne s’amusa, à tort ou à raison, à y trouver des personnages à clé…

Adapté au cinéma par un autre duo, le tandem de scénaristes de la grande comédie à l’italienne, Age & Scarpelli (à l’état-civil Agenor Incrocci et Furio Scarpelli), le récit se simplifie pas mal. Moins roué que les romanciers, le bon Luigi Comencini, si grand filmeur d’enfants, regarde cette société viciée en écarquillant les yeux, amusé ou horrifié, c’est selon. Il filme Turin comme on la voit peu dans le cinéma italien, des beaux quartiers rectilignes au Marché aux puces du Balon, dans le quartier Borgo Dora, au nord-est de la ville.

En parlant de vices et de vertus, le film a ceux et celles des coproductions de l’époque : un face-à-face Mastroianni-Trintignant, le premier comme flic, le second comme suspect, sous l’œil de la très belle Jacqueline Bisset, ça vaut le voyage. Sauf que, bien sûr, les non-italophones sont doublés en italien – comme l’étaient d’ailleurs les acteurs italiens d’un cinéma rétif au son direct…

Comencini s’était bien entendu avec l’actrice anglaise et le comédien français, moins avec Mastroianni. « Je sentais peu d’estime de sa part, il était professionnel mais froid racontera le cinéaste dans ses mémoires, Davvero une bel mestiere ! (« Vraiment un beau métier ! », non traduit en français). J’ai eu la même impression quelques années plus tard quand il a joué un petit rôle dans Le Grand embouteillage. Il semblait n’accepter de travailler avec moi que pour l’argent. J’ai en ai tiré une grande amertume, d’autant que c’était un acteur que j’aimais beaucoup. » Mastroianni endossa pourtant à nouveau le costume du commissaire Santamaria, le héros récurrent de Fruttero & Lucentini, dans un téléfilm de Nanny Loy (A che punto è la notte, 1994). Peut-être parce qu’il avait besoin d’argent ou peut-être que, sans le dire, il avait finalement aimé ça…

 

Adrien Dufourquet

 

 


 

La Femme du dimanche de Luigi Comencini (1975)
Mercredi 11 janvier à 19h et samedi 14 à 16h30